Continuité de la revue du centenaire, zoom ce mois ci sur une nouvelle trajectoire singulière d’un dipômé Mines Nancy. Destin singulier de cet élève, après de brillantes études secondaires, Paul AUBRY prépare l’École des Mines et obtient son diplôme d’ingénieur métallurgiste, il sort classé 2ème, on peut lui prédire une brillante carrière d’ingénieur, mais, mystère de la vocation, il s’oriente vers le Droit, devient avocat à la Cour d’Appel de Nancy puis fait une carrière d’avocat-conseil et sera un acteur incontournable des mutualités et assurances sociales.
Du Mutualiste lorrain aux Assurances Sociales
Vers 1927, Paul AUBRY donne son adhésion à la Société de Secours Mutuels « La Mutualité Lorraine » fondée à NANCY en 1898 dont il deviendra rapidement administrateur puis participera à la formation de l’Union Nancéienne de Secours Mutuels dont il deviendra secrétaire général.
Les Assurances sociales sont instaurées en 1930 pour répondre aux nouveaux besoins sociaux issus de la Grande Guerre. Il convient également d’amener l’ensemble des départements français à un niveau de protection sociale équivalent à celui des départements d’Alsace-Lorraine : revenus à la France en 1918, ils apportent leur modèle d’Assurances sociales mis en place par Bismarck. La France est le dernier grand pays d’Europe à adopter ce système, initié par l’Allemagne depuis 1883. Ainsi, l’ensemble des salariés était désormais couvert contre les risques Maladie, Invalidité, Vieillesse. De nombreuses caisses primaires se créent dans le département notamment sur le plan professionnel, la plupart, une quarantaine, fusionneront entre elles, une majorité rejoindront celle de l’Union Mutualiste. Administrateur de la Caisse Primaire d’Assurances Sociales, Paul AUBRY sera successivement trésorier général, vice-président et président.
Durant la guerre 1939-1940 et l’Occupation, il poursuit ses activités mutualistes ainsi que dans les Assurances Sociales et il devient le président du Secours National de Nancy et c’est là que nous retrouvons son intervention pour notre Ecole. L’action humanitaire de 1940 à la fin de la guerre a été massive tant les besoins étaient immenses. Plusieurs milliers de personnes ont été salariées des principales œuvres humanitaires et les financements privés et publics conséquents. La principale, le Secours National, est une organisation réactivée en 1939 mais dont la naissance remonte à 1914. Elle obtient le monopole de la collecte privée de fonds et bénéficie de subventions de l’État et des collectivités locales, le produit de la loterie nationale lui est attribué à partir d’octobre 1940 à charge pour elle de les redistribuer entre les diverses associations caritatives. Là aussi des hommes et des femmes s’engagent dans l’action humanitaire sans autre vue que de porter une aide et une assistance aux plus démunis, personnes âgées, enfants, femmes sans se soucier de l’origine des financements ou de l’idéologie sous-jacente de l’organisation.
Le Secours National et l’aide aux élèves
En octobre 1941, le Directeur de l’Ecole, Raymond Cornubert s’inquiète lors du retour des élèves à l’Ecole au sujet de l’alimentation et demande à Paul Aubry l’aide financière du Secours National, afin que le prix des repas au GEC (Groupe des Etudiants Catholique, les locaux sont à côté de l’Ecole) ou à la Cité Universitaire soit limité à 10 frs grâce à une subvention. De même il demande si comme pour les lycéens, il serait possible que les étudiants bénéficient de 8 biscuits caséinés par jour.
De plus il demande si une aide financière peut être accordé à certains élèves : qui sont dans des situations tragiques (j’en connais déjà 4 particulièrement dures, une spécialement) ajoute-t-il. Sur les 46 élèves des 3 années en 1943, 16 touchent en moyenne 3 000 frs par an de Prêts d’honneur et 11 touchent une aide mensuelle du secours national de 500 à 600 frs. Nous apprenons à cette occasion que deux étudiants sont mariés leurs épouses n’étant pas sur Nancy et qu’une d’elle est enceinte. Certains élèves dont les parents sont en zone libre sont sans nouvelle et ont beaucoup de mal à assurer les frais de scolarité ou de logement.
L’aide n’est pas seulement financière, les matelas des chambres des élèves ont disparu lorsque l’Ecole a été occupé par les troupes aussi bien françaises en 1939 qu’allemandes à partir de juin 1940. C’est le Secours National qui prête des matelas en attendant que notre Directeur arrive à s’en fournir de nouveaux, il les rendra le 26 août 1944 en joignant un chèque de remerciement de 200 frs.
Mais notre Directeur sait aussi solliciter le personnel pour recueillir des fonds : Vous savez certainement que s’organise actuellement à travers toute la France une collecte en faveur du Secours National. L’Ecole, bénéficiaire depuis 1940 des largesses de ce dernier, en la personne de ceux de ses élèves en situation financière très difficile, se doit de répondre aussi généreusement que possible à cet appel. Il y a bien évidemment une concurrence entre les institutions : Faculté, Rectorat et le Recteur Senn écrit aux étudiants :
Etudiants, étudiantes, rappelons-nous que nous ne sommes pas née pour nous seuls. Une multitude de liens nous enserrent les uns les autres, en notre famille, en notre Cité, en notre Patrie, en la Société humaine. Ces liens naturels, et nécessaires assurent entre nous l’ordre, la sécurité morale et matérielle, la paix.
Nous reconnaîtrons que ces liens qui nous unissent sont bienfaisants si nous savons et acceptons que nous sommes dépendants et solidaires les uns des autres, que nous devons nous aimer les uns les autres.
Principalement sur cette terre ou nous habitons ensemble et que nous appelons notre Patrie, où précisément nous nous sentons liés, on ces temps d’épreuve, par quelque chose de grand et de fort, allons au secours les uns des autres.
Car i1 ne suffit pas de savoir, de comprendre et de dire; i1 faut encore faire.
Le passage à la Sécurité Sociale
A la libération, les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 créent une organisation de la Sécurité sociale qui fusionne toutes les anciennes assurances (maladie, retraite…). Paul AUBRY, président de la Caisse départementale d’Assurances sociales en 1945, voit avec une certaine amertume les Caisses primaires mutualistes d’Assurances sociales absorbées en 1946-47 par la Sécurité sociale. Mais rapidement, il est de ceux qui exhortent la Mutualité à surmonter ses réticences et utiliser toutes les ressources offertes par le statut de la Mutualité. N’écrira-t-il pas : “ On peut penser que nous avons beaucoup mieux à faire que de jouer auprès de la Sécurité sociale le rôle de soupirant éconduit et quelque peu ridicule ? ”.
Dans un autre domaine, Paul AUBRY a été reçu comme associé-correspondant, le 7 décembre 1979, à l’Académie Stanislas de NANCY, fondée en décembre 1750 par le roi Stanislas. Le rapporteur de la Commission présentant le candidat à la réception dit de lui : « Sensible aux difficultés des économiquement faibles, soucieux de justice, d’entraide, de concorde, Maître AUBRY fut l’un des artisans du grand système mutualiste… Tous les postes auxquels il fut appelé, forment un éventail largement ouvert sur tout ce qui est « vie sociale », comme en témoignent les œuvres diverses auxquelles il a contribué activement : jardins ouvriers, sourds et muets, personnes âgées, nord-africains, office d’hygiène sociale, Caisse d’Épargne… » — l’un de ses vieux compagnons mutualistes dira « Il avait la qualité de son défaut, l’entêtement : de ce fait, il était très tenace (et non très têtu) et il appliquait cette disposition à tous les domaines… Il faut retenir ses qualités d’intelligence, de ténacité, de labeur… «
De nombreuses distinctions honorifiques récompensent le travail et le dévouement de Paul AUBRY.
- 1935 : Chevalier du Mérite Social
- 1951 : Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier du Mérite Social, Officier de l’Instruction Publique
- 1955 : Officier dans l’Ordre de l’Économie Nationale
- 1957 : Commandeur du Mérite Social
- 1960 : Officier de la Légion d’Honneur
- 1973 : Commandeur dans l’Ordre National du Mérite
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Sources :
Archive de Mines Nancy : dossier
Biographies de personnalités mutualistes – Jean Bennet
Académie Stanislas