Suite de notre série « acteurs de l’histoire » dédiée aux femmes et aux hommes qui ont fait ou font l’école. Pour cette 3e parution, focus sur Denis Lanel (N1926)

Denis Lanel (1926)

Dans l’Est Républicain du 30 mars 1938 on peut lire l’entrefilet ci-joint sur Denis DANEL, L’Ecole conserve dans ses dossiers, sa photo en première année, il était né à Nancy le 6 mars 1906, Il était sorti 15ème en option métallurgie (il était entré 33ème au concours), nous connaissons peu de chose sur sa carrière, mais sa fin tragique mérite un développement.

Le mercredi 23 mars 1938, le courrier d’Amérique, en provenance de Dakar atterrit à Casablanca avec plusieurs heures de retard. En principe, l’atterrissage se fait tôt, au petit matin, permettant à l’équipage qui prend le relais pour assurer le vol Casablanca-Toulouse de partir entre cinq et six heures, ce qui l’amène à Toulouse vers seize ou dix-sept heures et un survol de Pyrénées en début d’après-midi. L’équipage devant assurer la poursuite du vol décide donc de ne partir que le 24 mars au petit matin.

 

Le destin se noue

Mais il y a, à Casablanca un autre équipage, celui qui devrait prendre en charge passagers et courrier du proche vol venant de Dakar, le jeudi matin 24 mars. Le pilote Henri Guy faisait partie du club encore fermé des millionnaires de kilomètres parcourus en vol sur les avions de ligne, sa femme, à Toulouse, est souffrante et celui-ci veut la rejoindre rapidement. André Leymarios le radiotélégraphiste souhaite également repartir le plus vite possible pour régler des questions liées à un projet de déménagement de sa famille à Casablanca où il se trouve le plus souvent en escale, cet équipage se propose donc pour assurer l’acheminement des passagers et du courrier en acceptant un décollage à 13h55, soit avec huit heures de retard par rapport aux horaires officiels.

Quant au mécanicien, Étienne Duthuron, il avait assuré les fonctions de mécanicien au sol dans la plupart des escales d’Amérique du Sud, là où les machines étaient fort malmenées par des conditions de vol difficiles ;il était venu comme mécanicien navigant sur la Ligne dès 1925 et avait une très grande habitude des trajets Casablanca-Toulouse.

 

Les passagers :

Les cinq passagers qui avaient embarqué à Dakar, montent à bord. Il s’agit de messieurs Jammes White, ingénieur des Mines qui se rendait à Londres, Yves Mahias, directeur de la Compagnie aéronautique des Chargeurs Réunis, Denis Lanel, ingénieur des Mines qui se rendait à Paris, François Camoz, directeur des douanes à Dakar et Jaubert, industriel à Mostaganem, qui descendra à l’escale d’Oran ; monsieur Jean Burghelle, ingénieur chimiste avait embarqué à Casablanca. Le courrier est chargé et l’avion est paré à décoller.

 

L’appareil

Quant à l’appareil, c’est un Dewoitine 338 qui faisait la fierté de la ligne. Il s’agissait d’un trimoteur à aile basse, mis en service au début de l’année 1937. Il avait une envergure de 29,38 m, pour une longueur de fuselage de 22,13 m. Il était équipé de trois moteurs Hispano Suiza, développant chacun 650 CV. Il pouvait atteindre une vitesse maximum de 310 km/h, sa vitesse de croisière étant de 260 à 280 km/h. le F-AQBB était en version 6 passagers. C’était le second exemplaire d’une série de 31 construite pas Dewoitine entre 1937 et 1940. Sa grand nouveauté était le train rentrant. Ce n’était pas un train rentrant tel que nous le connaissons de nos jours. Le carénage du train d’atterrissage était inamovible, seules les roues se rétractaient à l’intérieur du carénage.

 

Le vol

Le décollage a lieu en plein jour, direction Rabat à 88 kilomètres où, dans le sens Casablanca-Toulouse, aucune escale n’est prévue, le courrier postal devant être lancé en parachute, ainsi que le précise la note 6826 du 25 octobre 1935, émanant du service exploitation. La première escale, après 300 kilomètres et 4 heures de vol, est donc Tanger. Le parcours s’est effectué au-dessus de l’Atlantique, en restant toujours en bordure de la côte. Le trajet Tanger-Alicante débute par la traversée du détroit de Gibraltar, entre deux zones interdites de survol : Tarifa, à l’ouest, à la pointe du continent européen, et Ceuta, à l’est, à la pointe de l’Afrique. L’avion survole Marbella, Malaga, longe la Sierra Nevada, puis c’est Lorca, Murcia et l’atterrissage à Alicante. D’Alicante, le Dewoitine 338 s’élance plein nord en direction de Valence, où il retrouve les rivages de la Méditerranée qu’il ne va plus quitter jusqu’à Barcelone, l’ultime étape avant de franchir les Pyrénées.

Que s’était-il passé au départ de Barcelone ? Pourquoi, au lieu de passer à 7 kilomètres à l’est de Céret, était-il passé à 11 kilomètres à l’ouest de cette même ville ? L’appareil va se dévier de son axe. Pour quelles raisons ? Une erreur de navigation due à la tempête qui sévit alors sur les Pyrénées et qu’il survole à une heure très inhabituelle ? Une erreur d’information transmise par la station de Perpignan ? elle était coutumière du fait, et les équipages avaient pris pour habitude de ne pas tenir compte des informations transmises par celle-ci. Pourquoi le Dewoitine 338, Ville de Toulouse, va-t-il emprunté cet axe médian entre le trajet plus long par la côte et le vol direct par le col de Puymorens ? L’absence de messages radios explicites ne permet pas, avec le recul, de se faire une opinion. Le trajet était donc inhabituel et le Canigou n’aurait pas dû être survolé, même si le plafond de l’appareil, qui était de 4900 mètres, lui donnait une certaine marge pour franchir cette montagne culminant à 2784 mètres. Y eut-il soudain un doute dans l’esprit de l’équipage, ce qui pourrait expliquer qu’il ait tourné à trois reprises au-dessus de la vallée cherchant un éventuel passage.

 

L’accident

Vers 20 heures le Dewoitine percutait la montagne au pic de Cinq Croix, à 2400 mètres d’altitude. Ce sont des fermiers, située entre Corsavy et les mines de Batère, qui ont donné l’alerte. Les premiers secours partent en pleine nuit, mais doivent rebrousser chemin. C’est à partir de minuit que des volontaires montent jusqu’à Batère et forment une première colonne qui partira à 8 heures du matin. Ils sont les premiers à arriver sur les lieux avant les gendarmes. L’Indépendant du 25 mars donne des détails sur l’état de l’appareil, des débris qu’il en reste: Nous trouvons le premier débris au bas d’un couloir en très forte pente ; les débris sont répandus sur 150 mètres […] plus haut […] gît le gros de l’appareil […].Toujours plus haut, il a fallu remonter un couloir en très forte pente, on n’a rien retrouvé (le journaliste parle du corps des victimes) car le terrain est accidenté ; les débris de l’avion sont considérables […]. Il appert que l’avion touchant d’une aile la montagne, a virevolté, puis s’est disloqué, rebondissant de roche en roche jusqu’au fond du cirque de montagne. Les moteurs ont été réduits en miettes, les réservoir à essence ont éclaté et se sont enflammés.

L’Indépendant du 24 mars souligne également ce détail navrant : l’appareil a heurté la montagne à une dizaine de mètres de la cime, c’est-à-dire qu’il n’avait que dix mètres à faire pour redresser et franchir la montagne.

 

L’inhumation des victimes

Une dernière image celle de l’enveloppe d’une lettre qui était dans l’avion et qui a été tout de même convoyée à bon port.

La recherche des corps des victimes se poursuit dans des conditions météorologiques difficiles, la neige ne cessant pas de tomber. On identifie les corps des trois membres d’équipage qui sont descendus, dans des sacs jusqu’aux mines de Batère, puis ceux des cinq passagers. Les deux derniers corps sont difficilement redescendus le samedi 26 mars. A 15 heures, en présence du général Martinot-Lagarde, inspecteur général de l’Aéronautique, représentant le ministre de l’Air, Guy La Chambre, a lieu la mise en bière des huit victimes de la catastrophe et les cercueils sont acheminés vers l’école communale de Corsavy où une chapelle ardente est dressée. Le dimanche 27 mars 1938 a lieu, à Perpignan, une première cérémonie officielle, en présence du général Martinot-Lagarde, représentant le ministre, du préfet Raoul Didkowski et de nombreuses personnalités locales accompagnées de responsables de structures liées à l’Aviation. « Mais le drame n’était pas clos. À la fin de l’hiver, à la fonte des neiges, des restes de corps furent découverts par Joseph Poch. Confronté au problème, le maire de Corsavy, de manière sage et discrète, les fit porter en terre, au cimetière du village. Longtemps ceux-ci ont été honorés par des personnes du village venant fleurir la simple tombe… ».

 


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