Jean François Émile Ducros est né le 24 mars 1906 à La Cadière-Saint Hippolyte du Fort (Gard) et est décédé à Saint-Cloud le 2 juillet 1955. Il fut une personnalité française engagée dans les voies du développement industriel, de la réflexion économique, du mouvement syndical, de la coopération internationale et des idées européennes.

Jean Ducros et ses interactions avec l’École

Voici la photo de son dossier conservé dans les archives de l’École. Ses parents habitent Toulouse où il a fait ses études secondaires. Au concours de 1925 il est reçu 46ème et sera intégré 25ème, avec Allemand comme langue obligatoire, il prendra l’option métallurgie et sortira 25ème en 1928, il eut, de 1929 jusqu’au moment de sa mort, de nombreuses et remarquables activités professionnelles d’ingénieur métallurgiste en France et souvent à l’étranger. Il rentre à la société de Penarroya en 1929, et se rend en Espagne. C’est de là qu’il écrit au directeur de l’École des Mines de Nancy au sujet d’une comparaison avec l’École des Mines de St Etienne, comparaison qu’il désapprouve. Assez vite en Espagne il se fiance (en janvier 1931) avec Carmen Montibert, fille d’un ingénieur de Penarroya, Ils se marient le 27 avril et partent en voyage de noce en Grèce. Il recevra fin 1931 son affectation aux Mines du Laurium ; leur premier enfant, Jean, verra le jour le 5 mai 1932, il est alors affecté dans le nord de la France et un second garçon, Gérard, verra le jour en juillet 1938 à Lille. La  famille s’installe à Paris mais pas pour longtemps.

Il est mobilisé en 1939 (comme beaucoup), dans le 57ème régiment d’artillerie, comme lieutenant et ayant laissé sa famille à Nîmes il rejoint l’Alsace, dans ses courriers, il exprime ses regrets de l’inertie des états-majors. En complément de ses effectifs officiels, il est rejoint par un groupe de « joyeux » (en fait des condamnés de droit commun). Deux jours après l’armistice et ayant épuisé toutes leurs munitions, le régiment reçoit l’ordre de se rendre. Le général allemand les félicite, leur accorde les honneurs de la guerre et leur annonce qu’ils ne seront pas internés, mais la promesse ne sera pas tenu. En 1941, le lieutenant Ducros est d’abord interné à Besançon, puis et les officiers sont dirigés vers l’oflag XVII, près de Nuremberg. En octobre 1941, le lieutenant Ducros est rapatrié d’Allemagne pour des raisons médicales graves. Dès son arrivée en France, il est déçu par le jeu personnel de beaucoup. Il est autorisé finalement en mai 1942 à rejoindre Paris et la société de Penarroya. Il rejoint le réseau de résistance Phratrie, filière d’évasion vers l’Espagne. De Phratrie, le colonel Passy écrira plus tard qu’il s’est agi du réseau opérationnel « le plus extraordinaire » dont le BCRA disposât jamais. En Avril 1943 il se rend en Espagne , officiellement pour Penarroya, en fait pour essayer de faire relâcher les français internés au camp de Miranda. Il est dénoncé peu après et la Gestapo cherche à l’arrêter mais il réussit à fuir par les toits puis à rejoindre le sud de la France A cette même date, à Nice, Jacques Robert le fondateur et chef du réseau est arrêté. Après deux tentatives d’évasion, il parvient, dans des conditions rocambolesques et grâce à la complicité de policiers français patriotes, à recouvrer la liberté. Il rejoint aussitôt Londres.

Quant à Jean Ducros, il rejoint les mines de l’ORB (qui appartiennent aussi à la Sté de Penarroya) et rejoint le maquis.

Jean Ducros reste très attaché à l’École, de 1932 à 1939, on retrouve plusieurs échanges au sujet des actions de propagande pour l’Ecole de Nancy avec MM. Jacques Ledoux, Paul Auberger, Yves Fournis, Lambert, Charbonel-Vidal, grâce à leur action de lobbying, en 1932, l’école passe du groupe II au groupe I des grandes écoles. Notons qu’en 1955, Jean Ducros deviendra président du groupe de Paris des anciens élèves de l’ENSMIM.

En 1943, par un courrier de Jean Ducros à Guy Delacote nous avons connaissance de son intervention avec Marcel Demonque pour rattacher l’École au Ministère de la Production Industrielle. Avec l’accord du Directeur Technique Guy Delacote, ils prennent rendez-vous avec Roland Dagnicourt à la Direction du budget au Ministère des Finances qui ne voit pas d’opposition à ce rattachement, si M. Bichelonne donne son accord. Il se propose même d’étudier le budget de l’école et les conséquences sur les modifications qu’entrainerait le passage sous le contrôle de la Direction du Budget. Le Directeur de l’École Raymond Cornubert va s’opposer à ce rattachement, et l’École conservera son précédent statut.

Pourquoi ce rattachement au Ministère de la Production ?

Pendant la guerre se pose le problème de la réouverture de l’École, fermé en 1939 et dont les Allemands refusent la réouverture. Celle-ci a pu se faire en novembre 1941 grâce au soutien de Jean Bichelonne, ancien professeur à l’École, secrétaire général au Ministère de la Production Industrielle. De même celui-ci permit que le STO (Service du Travail Obligatoire) pour les élèves soit effectué dans les entreprises autour de Nancy.

Il faut bien comprendre le contexte, en 1940 l’ancien ministère du Commerce et de l’Industrie devient ministère de la Production industrielle et du Travail, renforcé par des départements issus du ministère des Travaux publics et du ministère de l’Armement, il était divisé en trois grands secrétariats généraux (Énergie, Industrie et Commerce intérieur, Répartition des produits industriels), auxquels s’ajoutait le secrétariat général à la Main-d’œuvre et aux Assurances sociales. Elle constituait l’acte de création de l’actuel ministère de l’Industrie – le premier du genre en France – d’une importance considérable à la fin de l’Occupation, les effectifs du ministère étaient de plus de 16 000 fonctionnaires. Elle marquait l’attention portée à l’économie industrielle en épousant étroitement la logique de la production : en un même ministère, étaient réunis les services s’occupant de l’énergie et des matières premières, les services consacrés aux fabrications et à la commercialisation des produits, les services consacrés à la main-d’œuvre et à la protection sociale.

Du ministère de la Production industrielle dépendaient la plupart des Comités d’organisation (CO). Les comités nouveaux héritaient en général des locaux, moyens et dirigeants de l’organisme patronal d’avant-guerre d’où les filiations quasi directes entre le comité des Houillères et le CO des combustibles solides ou entre le comité des Forges et le CO de la Sidérurgie. Dans ce cas, la politique du CO reposait sur l’accord d’un groupe de chefs d’entreprises importants, souvent déjà habitués à se concerter.

On comprend l’intérêt pour les élèves de l’École des Mines d’être rattachés à ce Ministère qui gère les débouchés…

Plusieurs des grands programmes économiques des futurs « secteurs de base » du Plan Monnet ont été élaborés sous Vichy, assurant ainsi à terme le succès de cette redéfinition technocratique. Et surtout, entre 1940 et 1944, s’opéra sans conteste une évolution radicale des mentalités, en particulier des hauts fonctionnaires, et une modification des structures étatiques qui constituèrent une des données fondamentales de cette modernisation.

Jean Ducros et son action syndicale

Fin août 1944, Jean Ducros s’occupe du déminage du port de Sète. Une date importante : l’ordonnance du Gouvernement provisoire de la République qui rétablit la liberté syndicale le 27 juillet 1944.

De Paris à peine libéré, un camarade d’École, lui fait parvenir un message l’informant qu’un Comité d’action syndicale des Ingénieurs et Cadres s’est constitué ; on espère qu’il en fera partie. Il rejoint Paris fin septembre.

Le 15 octobre 1944 est fondé à Paris salle Wagram la Confédération générale des cadres (CGC) par des ingénieurs et des cadres qui souhaitaient affirmer la spécificité de leur situation dans le monde des salariés. Jean Ducros devient le premier Président de la confédération CGC constituée de 32 fédérations et syndicats de cadres dont la Fédération nationale des syndicats d’ingénieurs (FNSI), Roger Millot est Vice-président et Yves Fournis, camarade d’école est secrétaire Général, la Confédération générale des cadres de l’économie française (CGCE), le Groupe syndical des cadres diplômés (GSCD) et la Fédération des ingénieurs, agents de maîtrise et techniciens des industries mécaniques et métallurgiques (Fiatim). L’objectif de Jean Ducros est aussi un nouveau système de retraite complémentaire qui sera mis en place.

En juin 1945, nommé Colonel à titre provisoire, Jean Ducros est envoyé en mission en Allemagne à Pforzheim (la ville de joaillerie et de la bijouterie), qui a perdu la moitié de sa population dans les bombardements, pour récupérer l’or de la banque de France, volée par les allemands. Le retour se fait par camions. Arrivée à Paris, la banque est fermée. Les caisses vont rester dans l’appartement de la rue Théodore de Banville une nuit !

Le 23 juin 1945 la CGC tient son premier congrès. De même dès 1945, la CGC cherche à être reconnue comme représentative sur le plan national par les pouvoirs publics au même titre que la Confédération générale du travail (CGT). Représentativité qu’elle obtiendra à l’été 1946.

En dépit des moments de sa vie où la guerre et la Résistance absorbèrent une partie de son activité, il se voua au syndicalisme et à des travaux prospectifs sur l’avenir de la France et de l’Europe. Membre du Conseil économique depuis la création de cette assemblée de la République en 1947 (aujourd’hui Conseil économique, social et environnemental), il y a été représentant de la Confédération générale des Cadres (CGC, aujourd’hui CFE-CGC) qu’il présidait depuis sa fondation. Le Conseil économique menait à cette époque des études sérieuses, il suffit de lire les rapports de Jean Ducros sur la création d’une compagnie aérienne française, qui deviendra Air France, et aussi son rapport sur l’indemnité que pourrait recevoir les étudiants (sujet toujours d’actualité en 2021).

De la création du Conseil économique jusqu’à la fin de sa vie en 1955, il y a siégé et y a exercé, pendant plusieurs années, les fonctions de président de la Commission des Affaires économiques et du Plan. Il aussi participé aux activités de plus d’une dizaine d’organismes et de mouvements qui ont marqué la période de l’après-guerre.

Chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire, il était décoré de la Croix de Guerre 1939-1945 et était commandeur de l’ordre de l’Économie nationale.

Sources :

  • Archive de l’École des Mines : dossier
  • Marc Ducros, fils de Jean.
  • Site de la CFE CGC

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